
Aujourd'hui, nous fĂȘtons en Valais la Toussaint, par un raccourci assez succinct devenue la fĂȘte des morts, l'occasion unique de nous rappeler de "nos chers disparus". Cette fĂȘte est particuliĂšre aux cantons catholiques et les cantons de Vaud ou de GenĂšve, nos voisins par exemple, ont parfois tendance Ă la considĂ©rer comme totalement Ă©trangĂšre, voire carrĂ©ment Ă©trange. La fĂȘte de la Toussaint a vĂ©cu une longue errance de calendrier avant d'ĂȘtre dĂ©finitivement dĂ©crĂ©tĂ©e un 1er novembre par le Pape GrĂ©goire III, suivie, le 2 novembre par la fĂȘte de tous les morts. Comme il ne nous est malheureusement pas possible d'obtenir des jours fĂ©riĂ©s Ă perpĂšte, c'est probablement pour cela que nous avons fini par commĂ©morer nos morts le jour de Tous les Saints, connus et inconnus. Ceci pour l'interprĂ©tation du raccourci succinct, donc, qui offusquera peut-ĂȘtre notre Pape, mais tant pis

A 10heures moins vingt ce matin, les cloches ont donc commencĂ© Ă sonner pour annoncer la messe de cette façon mĂ©lodieuse si particuliĂšre et unique Ă notre village. Peut-ĂȘtre l'un ou l'autre village du Valais conserve-t-il aussi ce type de tradition, mais je n'ai entendu des cloches comme les nĂŽtres qu'ici, jusqu'Ă prĂ©sent. Carillonneur est par ailleurs une activitĂ© Ă part entiĂšre qui s'apparente Ă un instrumentiste de haut vol (dĂ©solĂ©e pour le jeu de mot, il est sorti tout seul). Ayant pour ma part vĂ©cu une vingtaine d'annĂ©es loin de Grimentz, c'est, avec certains regroupements villageois rythmĂ© par les fifres et tambours - "fanfare" du coin, ce qui m'a le plus manquĂ©. Ces sonoritĂ©s nous confĂšrent une ambiance identitaire forte qui participe Ă la cohĂ©sion d'une petite communautĂ© par sa seule typicitĂ©. En clair, elles me donnent l'impression d'appartenir Ă une sociĂ©tĂ© contre vents et marĂ©es et ce besoin d'enracinement est la nature propre de l'homme, lui offre une stabilitĂ© Ă toute Ă©preuve que bien de peuplades ne connaissent plus et qui dĂ©bouche sur des dĂ©sĂ©quilibres flagrants.
AprĂšs que les cloches se soient tues, le silence a perdurĂ©, Ă peine entrecoupĂ© de voix chantantes, portĂ©es par les haut-parleurs placĂ©s Ă l'extĂ©rieur de l'Ă©glise et qui, cette fois-ci, n'arrosaient que le vent frais, terriblement frais de ce 1er novembre. Calendrier civil et calendrier mĂ©tĂ©orologique n'ont jamais Ă©tĂ© si Ă propos que cette annĂ©e. L'Ă©tĂ© a dĂ©finitivement pris fin le 31 octobre par une radieuse journĂ©e pour dĂ©buter dans de grands frimas en ce nouveau mois. MĂȘme le soleil ne sait plus quelle position adopter et joue Ă cache-cache avec de gros nuages, ma foi plus bourrus que dangereux.

Le service divin achevé, le village se regroupe ensuite au cimetiÚre. Le soleil disparaßt, les feuilles des arbres frÎlent les manteaux qui claquent au vent, les mÚches se rabattent sur les visages. Moment d'immobilité. Puis la vie reprend bruyamment son cours. Les corps bougent à nouveau, se tournent les uns vers les autres. Des grappes familiales se détachent peu à peu pour arpenter les ruelles du village en marchant d'un pas mesuré. Qui vers l'apéro au seul restaurant ouvert du quartier, qui gentiment regagnant la maison avec mÚre et belle-mÚre pour se réchauffer autour d'une table bien garnie. Le soleil refait superbement surface.
Je crois que je vais aussi aller faire un tour pour aller les saluer, tous.