Frédéric Terrettaz, directeur de l’agence de Villars-sur-Ollon de la BCV, soulève les problèmes générés par les faiblesses de la loi sur la vente aux étrangers.

Frédéric Terrettaz, Valaisan d’origine installé à Villars-sur- Ollon, connaît bien la question de l’acquisition de biens immobiliers par des personnes domiciliées à l’étranger. Et pour cause, il dirige la succursale de la Banque cantonale de la grande station vaudoise et vit quotidiennement au coeur du problème. Dans son mémoire de licence, il traite d’un aspect dont on a peu fait mention mais qui constitue, selon lui, un excellent argument dans la défense du moratoire Cina, à savoir les risques encourus par l’acquéreur principalement mais aussi par l’aliénateur lors de ventes différées en attente d’une inscription au registre foncier.

Monsieur Terrettaz, la lex Koller ne semble plus répondre à la situation actuelle. Pensez-vous qu’elle doive être abrogée?
La loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE ou lex Koller) comporte de nombreux défauts. Elle n’empêche notamment pas la signature de contrats de vente pour lesquels de nombreux mois s’écouleront avant l’inscription des acquéreurs en qualité de propriétaires au registre foncier. Cela implique des risques non négligeables. Le moratoire Cina constitue la meilleure preuve de l’inefficacité de cette loi fédérale en ce sens que des mesures cantonales, voire communales comme à Montana ou Champéry tout récemment, sont nécessaires pour diminuer les excès qu’elle ne parvient pas à juguler. La LFAIE n’interdit pas la conclusion des ventes à terme soumises à la condition suspensive de l’autorisation d’acquérir.
De plus, elle n’a pas résolu le problèmes des lits froids, même s’il est vrai que lors de ses premiers balbutiements –issus de la lex von Moos en 1961– le but n'était pas là. Moribonde il y a peu, la lex Koller respire encore à cause de récents retournements politiques, par ailleurs en phase avec une certaine volonté populaire. Même si elle devait être abrogée aujourd’hui, elle ne continuerait pas moins de déployer ses effets pendant au moins trois ans encore, le temps d’instaurer des mesures de remplacement, notamment en matière d’aménagement du territoire.

Vous parlez de risques. Quels sont-ils et qui touchent-ils?
Dans la pratique actuelle de dépassement des quotas, il faut attendre des mois, voire des années avant d’obtenir une autorisation d’acquérir et partant, de pouvoir finaliser une vente. Pendant un si long laps de temps, l’acte de vente est «suspendu» et bien des événements peuvent survenir et modifier la donne. En cas de décès de l’acquéreur par exemple, le vendeur pourrait voir l’affaire ne jamais se conclure, la situation de la succession soumise au droit étranger pouvant être très compliquée. Une action en justice, sans doute chère et ardue, courrait le risque de se terminer défavorablement. En cas de faillite de l’acheteur également, pour autant que ce dernier n’ait pas déjà versé la totalité du prix de la transaction, la vente est susceptible d’échouer. Le divorce des acquéreurs pourrait aussi amener à une situation difficile, si ceux-ci ne désirent pas finaliser l’acquisition.
Le vendeur peut jouir cependant d’une certaine protection sous forme d’un dépôt chez le notaire (en règle générale de 10% de la valeur de l’acte), montant qu’il peut récupérer sous certaines conditions. Mais, dans l’hypothèse où le marché immobilier a baissé entre-temps, la perte risque de dépasser la garantie déposée.

Et l’acheteur, que risque-t-il?
L’acquéreur ne bénéficie en principe pas de la même protection que l’aliénateur. En cas de décès du vendeur, la situation de l’acquéreur peut dépendre de l’état de la succession (l’éventualité de sa répudiation). Si l’acquéreur a versé l’acompte directement en mains du vendeur, il court le risque de ne jamais le récupérer. Il peut se prémunir de cette issue dommageable en virant la garantie convenue sur le compte du notaire. Il est à noter que la somme ne porte pas intérêts.
Plus grave, en cas de faillite du vendeur, le bien immobilier va tomber dans la masse et l’acquéreur pourrait voir ses prétentions déboutées et devenir créancier de deuxième ou troisième rang pour l’argent versé c’est-à-dire ne plus en revoir qu’une infime partie. Situation moins menaçante, mais à envisager, le divorce des vendeurs: l’un des conjoints pourrait réclamer le bien pour son domicile et nous pourrions imaginer, sous réserve de certaines conditions, que son droit surpasse celui de l’acquéreur. Enfin, autre hypothèse, la double vente. L’aliénateur malhonnête pourrait être tenté de proposer son bien à plusieurs personnes, dans la mesure où aucune restriction d’aliéner n’a été inscrite au registre foncier. Certes, dans certains cas l’action pourrait relever du droit pénal (si cela fait partie d’une escroquerie par exemple) mais, au final, l’acquéreur y laisserait sans doutes des plumes. Ces quelques scenarii mettent en lumière l’insécurité juridique potentielle qui règne dans l’acquisition de résidences secondaires par des étrangers en Suisse. Cette insécurité est de nature à entacher la confiance dans le droit helvétique et à ternir son image.

Quelles solutions préconisezvous?
Tout d’abord, la responsabilité et le rôle du notaire sont extrêmement importants. C'est en premier lieu lui qui doit inciter les parties à une certaine prudence. Je constate ensuite que la lex Koller sous ses noms différents, en quarante-six ans, n’a de surcroît pas et de loin résolu le problème des lits froids. La LFAIE crée une situation d’insécurité juridique insoutenable de par ses lacunes et l’inadéquation entre le nombre d’actes signés et les autorisations délivrées.
Elle doit donc être soit modifiée soit abrogée et remplacée par des mesures qui ne permettraient pas des délais d’attente si longs. Une augmentation du contingent serait souhaitable tout comme la répartition de la charge sur tous les acteurs du tourisme en garantissant des logements à des prix décents aux gens qui travaillent à la prospérité de nos stations.
Et il est une chose injuste dans cette lex Koller. Elle fait reposer tout le poids des lits froids sur les étrangers. Elle ne touche pas les Suisses propriétaires d’une résidence secondaire qu’ils n’occupent que quelques jours par année.


3 Questions Ă  Jean-Marie Fournier, promoteur immobilier Ă  Veysonnaz

Monsieur Fournier, pensez-vous que le report de l’inscription au registre foncier de ventes à des étrangers génère des risques?
Un système de double cédule hypothécaire, admis par la Confédération, exclut pratiquement tout risque pour l’acquéreur qui voit ses fonds propres garantis au même titre que le prêt d’une banque. Pour que l’acheteur se retrouve lésé économiquement, il faudrait un concours de circonstances tellement extraordinaire qu’il ne s’est jamais produit jusqu’à aujourd’hui. Les clients qui acquièrent des biens chez nous connaissent la situation et agissent en toute connaissance de cause, renseignés par les notaires dont c’est le travail.

La lex Koller doit-elle ĂŞtre abolie?
Bien sûr. La lex Koller ne résout aucun problème et son application en crée de nombreux. Si le contingent attribué au canton était mieux réparti, le temps d’attente pour l’inscription d’une vente au registre foncier ne dépasserait pas deux ans et demi. Prenez Nendaz, où il faut patienter six ans, divisez le quota attribué par deux et vous vous retrouverez avec un délai de douze ans. Une absurde répartition des contingents pénalise les stations qui réussissent puisqu’elle ne tient pas compte de l’augmentation de leurs besoins. On discrimine ainsi les communes dynamiques notamment celles qui ont subi les foudres du moratoire. De plus, les étrangers louent plus facilement que les Suisses. Limiter leurs acquisitions aggrave donc le problème des lits froids.

Quelles mesures prendre?
Tout d’abord, je tiens à souligner que nous bâtissons sur des terrains destinés à la construction depuis vingt ans et plus et que ceux-ci ont été agréés par les autorités fédérales et cantonales ainsi que par les associations écologiques. Alors que l’on cesse de nous empêcher de travailler par des mesures tatillonnes ou discriminatoires. En effet, on n’oserait jamais interdire une construction dans un zone autorisée à Zurich, alors que le système de contingentement le fait tous les jours en Valais.Après l’abolition de la lex Koller, qui ne saurait tarder au vu de retournements politiques quasi certains, des mesures d’aménagement du territoire adéquates doivent intervenir qui suppriment cette discrimination et permettent au secteur du tourisme, vital pour le Valais, de se développer. Cela peut avoir lieu en toute harmonie si chacun s’attelle à obtenir une meilleure rentabilité des terrains.


Voici des question-réponses d'une rare pertinence et usant d'exemples concrets qui devraient vous permettre de clarifier votre opinion sur la question. Mais... quelle est-elle par ailleurs, face à ces propos? Avez-vous ressenti ces insécurités lors de l'achat de votre logement? Vendeur, promoteur et notaire vous ont-ils rassurés? Pensez-vous seulement que ces cas de figure parfois dramatiques puissent vous pendre au nez? Avez-vous seulement vécu pareil déboire éventuel?

L'article complet du journal.