Les touristes d'hiver atteignent quelques fois nos contrées en ramant. Ceux d'été y mettent souvent tout autant de soupirs et de temps. Notre route était, il y a quelques années encore, un ruban usé, fripé, troué, écorné, malgré tout l'amour et l'entretien qu'on lui apportait. Elle est frappée par les rochers, fouettée par les intempéries, corsetée par les températures et, franchement dit, fait pas bon être cantonnier, puisqu'il faut sans cesse la pomponner. Ceux d'été, donc - et nous avec - mettons beaucoup de temps à rallier la plaine ou en remonter car il s'y exerce chaque année de nombreux travaux pour le bien de la communauté. Nous n'avions pas moins de 4 feux entre Sierre et Grimentz il y a quelques semaines. Mais pour quel résultat! Elle est belle, notre route, elle a par endroits bien pris de la bouteille [on ose l'association d'idées!], surtout aux contours où restaient de temps en temps scotchés des cars, raclant le macadam de leur croupe proéminente au point de bloquer une vallée entière pour des heures. Et faire les choux gras des médias locaux.

Depuis 2 ou 3 ans, notre sinueux bandeau s'est vu sertir de petits diamants, ça et là, des petites places balisées par des panneaux qui nous causaient alors si bien français de "Fair-Play". Les voyons-nous encore aujourd'hui? Ils semblent désormais se confondre dans le paysage, d'être devenus aussi verts que les arbres qui les bordent. Ou n'est-ce tout simplement que la traduction qui s'est perdue dans les ruines lointaines de nos souvenirs? Il est vrai que le langage iconographique "instinctif" d'aujourd'hui n'a d'égal que celui de Champolion.

Pressé de remonter chez vous pour une affaire urgente [tout le monde n'est pas en vacances ici, voyons!] et retardé par une réunion qui s'éternisait [l'apéro, bien sûr], vous vous dépêchez de dépasser un maximum de voitures dans le tunnel de Sierre en calculant au plus près l'écart avec le retrait de permis potentiel, juste avant l'exit final de l'autoroute. Au cas où certains lambinards avaient Anniviers pour objectif, c'est toujours ça de fait, non? Le giratoire en vue, dernier coup d'accélérateur avant la sortie, les présélections devenues maintenant habituelles en constatant dubitativement que la ligne blanche est encore intacte et proprette. Combien de temps encore avant sa double section au coude de la vallée? Puis une remise des gaz en grande pompe à la sortie du contour estampillé 40 et, 500 mètres plus loin à peine, première plaque rouge [exemple purement fortuit, hèhè] à l'horizon. L'horizon est court et les tours grimpent en flèchent, le moteur surchauffe. De 2 choses l'1, selon sa vitesse, vous aurez vite fait de la planter au premier petit tronçon avec vue. Mais peut-être le magnifique plongeon sur la plaine n'exerce-t-il pas sur son conducteur la même fascination admirative que celle que vous connaissez? Il résistera par tous les moyens à s'acoquiner comme il se devrait avec le précipice. Pour les circonstances atténuantes, considérez aussi Madame, terrorisée à ses côtés. Il suffit alors de coller un peu derrière et le tour est joué. Le stress monte et la capacité de raisonnement s'en voit réduite d'autant. C'est exactement ce qu'on appelle perdre les pédales, n'est-ce pas? Au lieu alors de songer tranquillement à se mettre de côté au premier endroit adéquat pour reprendre son souffle, le pouls s'accélère et sortir de cet enfer par la fuite en avant devient une priorité absolue pour le pauvre chauffeur. Le tracé du véhicule devient du même coup complètement imprévisible, paysage, soleil du Valais, et par conséquent signalisation salvatrice, disparaissent des yeux et de la mémoire de l'automobiliste traqué. Seuls la force de votre engin ou un coup de bol inespéré, une détente stratégique se rengorgeront certains, vous permettront une percée victorieuse d'une situation qui doit sembler sans issue pour l'éternité.

Les contours de notre vallée, c'est tout un lard auxquels ses coutumiers sont rompus. Si les plus fiers prétendent fallacieusement pouvoir les suivre les yeux fermés, c'est tout de même à eux qu'on mesure son agilité. Muni des petits cylindres, des chevaux poussifs et mal nourris, vous serez vite pénalisé pour une reprise au sortir de chacun d'eux lorsque celui de devant n'a pas votre technique aguerrie [au pire, vous lui rentrez par inadvertance dans le fessier :roll: ], mais s'il se lance à tombeau ouvert au moindre plat [la fuite en avant...] avec sa grosse BM, il ne vous reste plus qu'à soupirer. Ou à céder à vos impulsions destructrices. Qui ne nuiront forcément qu'à vous puisque, devant, on n'imagine même pas les vitesses extra-spatiales qu'il est possible d'atteindre sur cette voie.

Mais je n'en ai pas cru mes yeux le jour où ce fut un escargot estampillé Fendant local qui, de surcroît, était régulièrement salué par les véhicules s'en descendant à contre-sens. Peut-être avait-il eu le temps d'apercevoir ma longue et blonde [?] chevelure dans son rétroviseur? C'est alors avec philosophie, mais non sans un brin d'amertume justement, qu'une certaine histoire de lièvre et de tortue affluait à l'arrière de mes pupilles. Il valait donc mieux éteindre les phares.

Trêve de palabres, la colère ou la fierté ne mènent à rien. Les panneaux le disent si bien, soyons fair-play. Redécouvrons-les!


En primeur pour rester zen, une photo de nos peupliers en partie replantés:


















Et vous, ce genre de situation vous arrive-t-elle parfois? Qu'est-ce qu'elle vous inspire? Aviez-vous aussi observé que n'est pas toujours touriste qui croit? :twisted: