La société du village de Grimentz avait, en 1960, été non pas dissolue [!] mais dissoute car elle achevait de prouver son utilité communautaire. Plus de bouc, plus de chèvres nécessaires à la survie de notre village, le pain s'achetait désormais, comme la viande, en magasin et c'est tout juste si je me rappelle avoir accompagné ma grand-mère à la laiterie. Mais ses buts ne se cantonnaient pas qu'à cela, pourtant.

Vous vous rappelez notre billet sur les marques de familles? Nous en causions l'année dernière. Un jeune qui se mariait adoptait une marque de famille, parfois celle de son père s'il était le dernier à se lancer dans l'aventure, laquelle servait concrètement à identifier les instruments de travail de la famille, mais symboliquement à valider son entrée dans la communauté en tant que chef de famille.
On se sentait chef de famille. On se sentait responsable. On n'était plus dépendant de ses parents. On était enfin quelqu'un, son propre patron si tu veux! (...), tout en se pliant bien entendu aux statuts du Village.
expliquait Robert Rouvinez à Bernard Crettaz au début des années 80 (Un village Suisse, p. 44).

A la marque de famille était bien sûr liée la notion de feu, de foyer. Les foyers du village se mettaient donc en commun et se réunissaient en une Assemblée des Villageois, histoire de gérer les biens qui appartenaient à la communauté, comme le bouc qu'on se passait à tour. Tout comme la chèvre, d'ailleurs. :mrgreen:

Dans l'ancien temps, la société du village revêtait une importance de taille pour la gestion des comptes et des biens, probablement parce qu'on devait les gérer avec parcimonie [elle est belle la société de consommation!], c'est pourquoi une présence injustifiée à l'assemblée annuelle - soit ne pas «Aller aux Comptes» - était sanctionné d'une amende. Cette assemblée avait, comme l'a mentionné hier soir Jean-Pierre, lieu le jour de la Saint Charlemagne ou 28 janvier de chaque année ou à peu de jours près. Cette date avait été fixée pour des raisons très prosaïques:
avant que les gens soient partis dehors à Sierre pour le Carême. C'était le temps où les gens n'étaient pas aux mayens ni à Sierre; le temps, au mois de janvier, où tout le mone était au village, puisque trois semaines après, il avait quelques-uns dehors à Sierre; ou bien à une autre période, les uns auraient été aux mayens.
Robert à Bernard en p. 45.

L'assemblée constituante de hier soir a donc passé au crible des statuts sous la conduite de notre actuel président Gaby Solioz et de ses conseillers Jean-Pierre Salamin et Tarcise Genoud, des statuts plus anciens et d'autres sociétés de village, afin de déterminer les siens. Les nôtres.

Sauvegarder et représenter les intérêts socio-économiques et culturels des habitants, favoriser l'esprit de solidarité, entretenir les biens patrimoniaux, organiser des manifestations et participer aux activités d'animation du village sont les tâches attribuées à la société.

A la lecture des statuts, la première réaction s'est rapidement faite sentir. L'obligation de participer à l'assemblée sous peine d'amende ne nous paraissait pas justifiée sous cette forme. La responsabilité prise à la participation à ladite société paraissait mieux acquise, quoique l'amende en cas de non-participation aux corvées n'a pas vraiment été discutée, donc maintenue. Mais la société de village ne s'arrête pas à ces considérations obligataires.

La société du village de Grimentz, ce sont toutes les personnes majeures domiciliées dans la commune de Grimentz ou vivant sur son territoire au 31 décembre de cette année. Ces mêmes limites communales feront foi à l'avenir. Rien à voir avec des regroupements identitaires comme la Bourgeoisie - qui appellent à des origines ou à des normes d'intégration très strictes, ni à une simple domiciliation communale. Elle va au-delà puisqu'elle implique socialement des personnes qui se sentent elles-mêmes impliquées dans la vie de la communauté au sein de laquelle elles évoluent.

Première constatation: aujourd'hui, le chef de ménage se mue en personne morale et le foyer peut aujourd'hui allègrement être remplacé par le micro-ondes. Y a-t-il des messieurs pas d'accord avec cette évolution des définitions [seules homologuées par l'immoblog!]? En deuxième lieu, on constate que la date à prévoir au printemps pour les réunions en assemblée ordinaire le sera sur des bases tout aussi pratiques que celle de la Saint Charlemagne d'antan.

Voilà pour l'essentiel des statuts.

Le comité devra bien sûr être ratifié puisque l'assemblée de hier n'avait qu'un pouvoir consultatif - c'est comme ça qu'on peut dire, n'est-ce pas? - mais ont été nommés dans l'ordre des évocations: Christian Vouardoux, Jean-Pierre Salamin, Jenny Viaccoz-Vouardoux (à répartir pour la présidence, la caisse et le secrétariat), de même que Michel Urdieux et Louis Epiney [aïe, déjà parlé des cantonniers, mais jamais de Louis sur ces pages] pour la vérification des comptes.

C'est une salle comble qui a clôturé l'assemblée dans une ambiance très estivale [ou finno-saunalaise pour ne pas dire tropicale] sur un apéro très animé. Jamais l'immoblog n'avait vu autant de monde à la salle polyvalente car elle dépassait sans conteste, quoique pas de beaucoup, la présence des citoyens à la dernière assemblée primaire de notre petite commune de Grimentz.

Il neigeotte en tout sens sous le soleil de ce samedi après-midi, c'est sympa.