Jean-Pierre Tabin, professeur d'études sociales à Lausanne, nous explique les origines des 2 premières notions dans le contexte Suisse comme suit:

[ndlr. En son temps] La citoyenneté suisse exige en effet l’origine d’un canton et la bourgeoisie d’une commune. Les bourgeois sont les personnes qui ont l’origine d’une commune par héritage ou mariage, ou parce qu’elles l’ont achetée. Elles peuvent être nées ailleurs, ne pas y habiter, même n’y avoir jamais vécu. La commune bourgeoise se pense comme une famille, dont le bourgeois fait partie par l’indissoluble lien du sang. A l’inverse, on nomme, dès le XVIe siècle, habitants les personnes qui résident dans une commune sans en avoir l’origine. Les habitants sont parfois bourgeois d’une autre commune du canton, parfois ils viennent de plus loin. La commune d’habitants se pense comme une association qui ne dure qu’autant qu’elle est profitable.

La population d’une commune est donc faite de bourgeois et d’habitants.

Par ailleurs, un "forain" dans sa définition wikipédienne, puisque nous l'avons évoqué, est quelqu'un d'extérieur, d'étranger au village (le mot a donné l'adjectif anglais foreign, qui a gardé ce sens).
Dans la France rurale des siècles passés, les gens qui avaient des propriétés, des terres dans un village autre que le leur, étaient appelés « forains »
. Non-bourgeois, certes, mais domiciliés?

A cela et en tout cas en Anniviers, on peut encore ajouter la notion de "communier", soit celui qui a des biens dans une commune et qui y est reçu (les Anniviards étaient des ruraux et des nomades à l'époque. Du coup, il n'était pas rare qu'ils possédassent des biens dans d'autres villages comme champs, remises, etc. dans d'autres communes, surtout si ces derniers se trouvaient en cours de chemin de transhumance). Ils étaient alors communiers de leur propre commune, dans laquelle ils passaient le plus clair de leur temps, mais aussi communiers des autres communes où ils avaient à y faire. On s'arrête là. Pour le détail, zyeutez les premières pages de la Première Partie de Nomades et Sédentaires de Bernard Crettaz, grand sociologue Anniviard devant l'éternel et habitant de Zinal.

Par contre, Robert Rouvinez - interrogé par Bernard Crettaz ci-avant du temps de son vivant [Un village suisse] - nous fait remarquer à propos des "non-villageois" appartenant à la société du village qu'il pouvait s'agir de personnes domiciliées dans un autre commune mais possédant en co-propriété une vache ou un mulet avec un Grimentzard.

"Communier" ou "non-villageois d'une société de village"? La frontière semble bien ténue. Réside-t-elle dans l'époque puisque communier semblait s'utiliser avant le XIXème siècle et les sociétés du village dès le milieu de celui-ci? L'immoblog doit vérifier cette hypothèse car la questions est toute fraîche.

"Communier" ou "non-villageois d'une société de village"? Dans la définition des statuts et la fonction des différents regroupements communautaires? On laisse également mûrir cette hypothèse pour l'instant.

Bref, à propos de la société de village par Bernard Crettaz [quoi, encore!!] dans le nouvelliste de hier avant d'attaquer l'organisation actuelle dans notre prochain billet:

«Face à la centralisation, un village veut absolument se recréer»
BERNARD CRETTAZ - SOCIOLOGUE

«Anniviers est venu assez tard à la notion de municipalité [ndlr. ça devrait dater de l'époque napoléonienne]. Ces sociétés de village se sont donc constituées entre les bourgeoisies anciennes avec leurs privilèges et les communes modernes naissantes. Les premières sociétés villageoises sont nées dans le courant du XIXe siècle afin d’être ouvertes à tous les non-bourgeois, c’est-à-dire aux «habitants». Elles ont lancé les écoles, devaient entretenir les fontaines, assurer le service incendie, le service du prêtre lors de la patronale, le tournus pour la gestion de la chèvrerie ou la garde des mulets et du bouc villageois. Ces sociétés étaient aussi les gardiennes de la marque domestique [illustration, gravure signée Jean Vouardoux. Cliquez pour agrandir], nécessaire aux actes ou à la reconnaissance de la propriété. La seconde vague de naissance de ces sociétés est arrivée dans le courant du XXe siècle lorsque les Municipalités se sont imposées. C’est le cas de la société de Zinal. Certains villages ont par contre abandonné ces sociétés, même les plus prestigieuses comme Grimentz dans les années 50.Face à la centralisation, un village veut «se recréer». C’est ce qui arrive aujourd’hui. Il sera passionnant de voir dans quelle mesure ces sociétés s’ouvriront aux habitants du village, résidents ou non.»

Finalement, on peut encore être paroissien, consort ou même contemporain au sein d'une communauté, si on veut vraiment pousser votre patience jusqu'aux limites de l'indulgence, non? :P

Vous le constatez vous-même, cette tentative d'explication relève plus de la tentative de réflexion. Aller, on se laisse méditer cela avant d'attaquer ce par quoi nous voulions en fait débuter!

Mais... êtes-vous un bon Anniviard???