«Ce que je crois»

i Par l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur à l’Université de Fribourg
 Le sociologue, la vache, le Valais et l’Eglise
Décontenancé par son canton, le sociologue Bernard Crettaz analysait, il y a peu, dans les colonnes du «Matin», le renouveau des mouvements catholiques en Valais. Dans son livre paru cet automne sous le titre quasi liturgique «Le curé, le promoteur, la vache, la femme et le président: que reste-t-il de notre procession?», il étudie entre autres les rapports entre l’Église catholique et le Vieux-Pays. Il avoue sa perplexité devant ce canton entré dans «l’ultramodernité», «plus moderne que la campagne genevoise», capable de «faire cohabiter des tendances folkloriques, autoritaires et actuelles».
  Là où mon compatriote étonne, c’est qu’il stigmatise la réapparition de ce qu’il appelle «une forme d’intégrisme, d’autoritarisme, de conservatisme», tel qu’elle se manifesterait dans un certain nombre de groupes de jeunes catholiques très motivés, tout en appelant à un «retour des processions religieuses pour les générations futures». Il faudrait savoir! Est-ce que, oui ou non, le Valais doit, d’après lui, s’affranchir définitivement de tout lien avec l’Église catholique, responsable selon lui de cette «résurgence de traditionalisme», ou, au contraire, le Canton du Soleil a-t-il encore besoin pour bâtir son avenir de ses racines chrétiennes?
  Et le paradoxe s’intensifie encore: alors qu’il n’a eu de cesse de pourfendre la tutelle imposée par le catholicisme sur la population valaisanne, voilà que l’inénarrable ethnologue regrette «l’extrême faiblesse de l’Eglise», qu’il se dit «incapable de définir», et «le peu d’autoritarisme de l’évêque et du clergé». Il faudrait vraiment savoir!
  Est-ce que, oui ou non, à son avis, les responsables ecclésiastiques doivent régir l’opinion publique valaisanne?
  Lorsqu’ils l’ont fait, B. Crettaz rugissait. Lorsqu’ils se font discrets, tel le levain dans la pâte ou le sel de la terre, le sociologue devient nostalgique… J’apprécie infiniment lorsque la communauté ecclésiale échappe aux prises des sociologues et résiste aux catégorisations rationnelles. Car c’est dans leur fragilité, leur humilité et leur simplicité que les Églises chrétiennes peuvent être des signes crédibles au sein de notre univers désarçonnant. Et tant mieux si B. Crettaz se trompe sur l’Eglise catholique aussi lourdement que sur la fusion des communes d’Anniviers!… Y Après cela, c’est en toute subjectivité que l’immoblog vous relate l’affaire à sa sauce car ce sont mes interrogations sur une identité anniviarde qui va de découvertes en découvertes.

La religion, le sex, le curé et la violence, la femme expiatoire.

Impossible de lire ce livre comme un autre. Il a fallu le faire par petits bouts afin de se laisser le temps de digérer certains passages car c’est de nous dont on y parlait. Une projection qui mordaient parfois les tripes, donnaient envie de monter aux barricades. Pur idéalisme. Zorro n’existe pas en réalité.

La mort et ses wagons de traditions, mythe ou réalité? Si cela a été, aujourd’hui, d’autres contrées font aussi pas mal bombance tout droit sorties des allées d’église. Je pense que là, j’ai dû louper une époque au demeurant fort intéressante. Je n’ai suivi que par médias interposés les discussions menées par Bernard sur le sujet. D’autres auront vu la chose autrement? Dans la même veine, il me faudrait me forcer pour décrire et analyser le rapport au sexe qu’entretenait nos ancêtres, assez récurrents dans certains discours. Surtout les rapport de forces. Il suffit de relire «Adeline accoucheuse» pour se rendre compte à quel point la civilisation d’après 68 a changé la donne. Qui aujourd’hui accepterait encore d’exécuter les ordres de son curé lorsqu’il suggère à la femme, battue, humiliée, de se soumettre? Ce même curé se muait en tyran envers la veuve [si c’était pas déjà assez dur et compliqué pour elle] ou la fille-mère. Célibataire à près de 40 ans, je ne me projette pas très volontiers dans cette époque: sorcière sur le bûcher, en tout cas une chose de sûre, je ne suis pas très sportive: balaying, pluming, ciring, cuising,… ça vous épargne l'abonnement de fitness, n'est-ce pas? :roll: De toute manière, on est passé à autre chose et on affirme que nous avons fait pencher la balance. On peine pourtant à squatter les devants de la scène, mais ceci sera peut-être le prochain pas, déjà bien amorcé pour certaines d'entre nous.

Née avec le centre scolaire et bien loin du Val d’anniviers durant la période 1990-2004 évoquée par Bernard Crettaz, revenue l’année-même de la fusion, ma vision de ma vallée, de ses villages, de leur coexistence et de ses récents événements - doublée d’une nature consensuelle et empathique - rejette catégoriquement les conflits qui ne sont pas miens et les rancoeurs éventuelles de mes ancêtres ou concitoyens. Mais l’histoire décryptée ici, comme dans de précédents ouvrages [Nomades et Sédentaires,…], m’aide à beaucoup mieux comprendre les événements et le coeur des gens. Par ailleurs, inutile pour l’IMMOblog d’évoquer le promoteur: au mieux on ne me croira pas, au pire on me taxera de tous les mots maux. D’ailleurs, le promoteur s’évoque lui-même, autant lui céder la parole.

Quant à ce que l’avenir nous réserve, ce que nous allons en faire…? Le Sieur Crettaz nous fout la pression: il s'agira de bien s’appliquer. :-D

Finalement, j’aurais aimé être d’ailleurs pour nous lire avec un regard serein. Voir d’un milieu urbain pour pouvoir alléger d’une grande incrédulité ou, comme Michel Audétat dans son article, d’un éclat de rire tonitruant, les épisodes les plus cruels de notre passé. En même temps, j’aimerais pouvoir faire un saut dans le futur pour dévorer le prochain tomme, rétro- et introspectif, du bonhomme sur notre évolution. Serais-je encore oeuvrant dans notre vallée ou l’individualisation et l’économie auront-t-ils eu raison de mes attaches?

Bernard Crettaz fait enfin la part belle à des personnages contemporains et bien vivants de notre vallée qu’il n’est point besoin de citer ici, puisqu’ils le sont de manière fort dithyrambique dans ses pages. Lisez le livre pour les y retrouver, vous constaterez par la même occasion qu’il ne s’agit pas là d’un récit qu’on range dans sa bibliothèque une fois la dernière page tournée. Il vous colle à la peau comme un sparadrap. Une séance de désenvoûtement ne serait pas de trop, mais on éviterait volontiers l’église pour cela.

En photo: l’écrivain-sociologue, le promoteur, le futur président et ancien conseiller national et aux états, jamais tellement loin les uns des autres… C'était le jour de l'élection du conseil anniviard avec la confirmation de la présidence.

PS. Quelqu'un voudrait-il nous commenter la vache?