La nouvelle a paru dans «Le Nouvelliste» de ven- dredi et dans toute sa brutalité: «Grimentz- disco-bar - excellent aménagement + sonori- sation - bar indépendant - situation idéale, Fr.
1 200 000.–». Mon sang n’a fait qu’un tour et mes souvenirs se sont mis à tourbillonner. Parce qu’inutile de vous dire, mais la disco de Grimentz, c’est pour moi et bien quelques-unes et uns de mes amis un très haut lieu qui nous a laissé deux choses: de magnifi- ques souvenirs et de ma- gnifiques gueules de bois. Ilyadanslavieunetran- che d’âge où rien ne vous fait vraiment peur et où vous êtes juste en pleine possession de tous vos moyens physiques. Se coucher à 4 h 30 du matin et se retrouver sur les lat- tes par moins 29 degrés à 10 heures (véridique, janvier 1985) est aussi lé- ger, facile et délicieux que de soulever un verre d’eau minérale à 50 ba- lais. Cette tranche d’âge, on la vit sans savoir que c’est la meilleure, parce que pour cela, on doit at- tendre d’avoir du recul et pris des années et de l’ex- périence pour s’en rendre compte. Avant, on vit. Après, on gère. Cette tranche d’âge se situe en- viron entre 23 ans et 28 ans. Or, hasard extraordi- naire, en 1981, j’ai 23 ans et j’ai la chance de mon- ter skier plusieurs semai- nes par année à Gri- mentz, et cela durera ré- gulièrement jusqu’en 1986. Cela ne s’invente pas. Etudiants et insou- ciants, nous louions aux Ruches, au Sony, au Lona. Tiens, au Lona. C’est justement le nom du bâtiment qui abrite la disco. Le luxe, pour nous, c’était donc de pouvoir descendre de notre ap-
partement à la disco par un couloir et des esca- liers bien chauffés, sans veste et en baskets. La disco nous aimait bien parce que nous étions de bons clients. Bon, comme je ne vais pas y échapper, je dois donc brièvement signaler que nous buvions force bou- teilles de vin, des whis- kys, des gin-tonic, du cointreau, de la bière et parfois du coca (rare- ment).
Nos journées ressem- blaient à cela: petit déjeu- ner copieux, ski de ma- lade. Pause à Bendolla, goulasch ou bircher. Ski de malade. Rentrée à l’appart’. Douches (ça, c’était long, parce qu’il y avait qu’une douche pour... beaucoup). Apéro (très long l’apéro). Sou- per. Danse debout sur la table du salon au son de Smooth Operator (Sade). Puis disco. Où nous re- trouvions parfois (sou- vent) des Hollandaises charmantes à qui nous avions appris à skier en tout bien tout honneur durant la journée. Ces souvenirs, c’est que du bonheur. J’aimerais en- core mentionner un «Special Evening» en jan- vier 1985, juste après Nouvel An. Nous étions une dizaine autour d’une table. Nous avons bu 27 bouteilles – que du bon – ri comme des fous, chanté, dansé. Je sais que c’est aujourd’hui po- litiquement incorrect d’écrire cela. Mais je l’écris quand même, parce que de tels mo- ments d’amitié ne s’ou- blient jamais.
La disco de Grimentz est à vendre. Si j’avais les sous, je crois que je l’achèterais. Et j’essaye- rais d’être un bon patron et de cultiver l’esprit du partage et de la fête.
Dites, Monsieur Pittet... l'agence de location savait-elle que ça prenait du temps pour la douche parce que vous étiez... beaucoup? 8-O

C'était la chronique du jour dans le Nouvelliste.